Conflits territoriaux, droit d’option de nationalité et déplacements de population n°3

Le cas de l’Alsace-Moselle après la guerre Franco-Prussienne de 1870-1871 (2/2)

Chères Aulnaysiennes, chers Aulnaysiens, 

La série d’articles que je poursuis interroge l’actualité récente par l’histoire des conflits territoriaux, du droit d’option de nationalité et des déplacements de population essentiellement aux XIXème et XXème siècles.

Le présent article pourrait s’intituler « Quand l’histoire familiale rencontre la Grande Histoire : que des optants, des Français, des résistant et combattant au sein des FFL ! ».

Cette histoire d’annexion de l’Alsace-Moselle et d’optants devant quitter leurs terres ancestrales pour rester Français est aussi celle de ma famille et plus exactement celle de ma mère. Nos aïeux venaient de cette partie de la Moselle, le cercle de Sarreguemines, essentiellement rural et non francophone, où le nombre d’optant fut si bas. Pourtant, ils optèrent ou émigrèrent parce que par-dessus tout ils voulaient rester Français.

Mon arrière-grand-père, Nicolas Rimlinger, naquit le 24 juin 1858 à Siersthal en Moselle et décéda le 25 octobre 1945 à Saint-Denis en Seine–Saint-Denis, à l’âge de 87 ans. Il avait donc 13 ans lorsqu’il fuit sa Moselle natale pour rester Français. Il se maria le 8 septembre 1883 à Saint-Denis avec Marie-Madeleine Eich. Née le 28 septembre 1859 à Rosteig dans le Bas-Rhin, elle décéda le 11 avril 1940 à Saint-Denis à l’âge de 80 ans. Elle avait donc 12 ans lorsqu’elle fuit pour rester Française.

Nicolas Rimlinger devint conducteur de locomotives à vapeur pour la Compagnie du Chemin de fer du Nord et milita après la Première Guerre Mondiale pour la nationalisation des chemins de fer. Gréviste, son livret de travail fut marqué au fer rouge. Il ne retrouva donc plus jamais d’emploi et perdit ses droits à retraite. La répression dans les chemins de fer français aux XIXème et XXème siècle est très bien documentée[i].

Nicolas Rimlinger et Marie-Madeleine Eich eurent 9 enfants, dont Joseph Rimlinger, mon grand-père.

Mon grand-père maternel, Joseph Rimlinger, naquit le 1er septembre 1888 à Saint-Denis et décéda le 2 mars 1963 à Paris, à l’âge de 74 ans, 5 ans avant ma naissance.

Joseph Rimlinger accomplit son service militaire entre 7 octobre 1909 et 24 septembre 1911 au sein du 17e régiment d’artillerie. Du 3 août 1914 au 24 décembre 1915, il fut envoyé au combat. Puis fut détaché au bureau d’étude de l’usine Blériot Aéronautique (ancêtre d’EADS) à Levallois-Perret pour fabriquer des avions de guerre. Il y fit carrière, mais refusant de prêter allégeance au Général Pétain, il démissionna entre 39 et 45 pour ne pas servir les « Boches », les « Schleus », les « casques à pointe », les « vert de gris » comme il les appelait et du se cacher durant la guerre. Il réintégra l’entreprise après-guerre. Ceux qui avaient collaboré obtinrent leur avancement. Lui non.

D’un premier mariage le 3 août 1912 à Saint-Denis naquit mon oncle Maurice Rimlinger (1917-1972), puis -après un long veuvage- d’un second mariage le 4 janvier 1936 à Bagnolet avec Léontine Marguerite Leroy (1912-2007), ma grand-mère, naquit Nicole Rimlinger, ma mère, (1940-2023) où ils vécurent au 129 rue Saint-Charles dans le 15e arrondissement de Paris.

Mon oncle, Maurice Rimlinger : Je remercie le Général Jean-Paul Michel, Président de la maison des Anciens de la 2ème DB et de la fondation maréchal Leclerc de Hauteclocque, d’avoir accepté de compléter mon histoire familiale. Mon oncle Maurice Rimlinger combattit en 39, fut emprisonné en 40 par Allemands dans un camp situé en Poméranie au nord-est de l’Allemagne près de la mer Baltique, s’évada en passant par l’URSS avec un groupe de 218 prisonniers dont le capitaine Alain de Boissieu[1]. Comme la majorité de ces évadés, il rejoignit Londres -par Arkhangelsk (ville portuaire de Russie) et le Spitzberg (île norvégienne baignée par les mers de Barents et du Groenland)- en septembre 1941. Leur histoire est relatée par Jean-Louis Crémieux-Brilhac qui était l’un d’entre eux.

Maurice resta à Londres jusqu’en mars 43. Il rejoignit alors les Forces de la France Libre en Égypte et fut affecté à la 2ème DB qui se constituait au Maroc en tant que transmetteur au sein de l’état-major du GTV (groupement tactique Wa rabiot). Il prêta alors le serment de Koufra comme la majorité de ceux qui rejoignirent la 2ème DB. Puisqu’il était Parisien, il fut désigné éclaireur pour préparer l’entrée de la 2ème DB à Paris. C’est ainsi que -la nuit du 18 au 19 août 44- en tenue de combat et mitraillette en bandoulière, il rendit furtivement visite à sa toute petite sœur de 4 ans ma mère, à son père et à sa belle-mère pour leur annoncer que Paris serait bientôt libéré. Il effectua toute la campagne de libération de la France. Il termina au grade de sergent avec deux citations, dont une palme (la plus haute), et fut également médaillé de la Résistance française par le décret du 31 mars 1947, publié au JO du 13 juillet 1947, article 19, sous le nom Maurice Rimlynier.

Malheureusement, les horreurs de la guerre lui firent perdre le goût de la vie qu’il perdit en 1972 à l’âge de 55 ans, laissant une veuve sans enfants.

Nicole Rimlinger, sa petite sœur, ma mère, fut envoyée en 1958 à l’âge de 17 ans en Algérie alors en guerre pour enseigner aux petits Algériens. Elle échappa miraculeusement à plusieurs attentats du FLN. Se maria à 19 ans avec mon père Michel Billard, également enseignant en Algérie. Ensemble, ils eurent 4 enfants.

Ma grand-mère maternelle, Léontine Marguerite Leroy est également issue d’une lignée fortement marquée par l’Histoire.

  • Son père, Léon Alphonse LEROY (1885-1949), était monteur en bronze de génération en génération, installées depuis plusieurs siècles à Paris. Ses parents furent des sympathisants de La Commune de Paris si durement réprimée lors de la semaine sanglante. Cet amour de La Commune, longtemps clandestin pour échapper à la répression, se transmit de génération en génération. Alors, ne venez pas nous dire que le Sacré-Cœur de Montmartre est beau alors qu’il a été construit en commémoration de la répression de La Commune.
  • Sa mère, Victorine TASSOT (1881-1949), était Couronnière, fleuriste.
    • Son père, Victor TASSOT, naquit le 24 mai 1839 à Houdlémont en Meurthe-et-Moselle et décéda le 10 janvier 1919 à Paris dans le 20ème Arrondissement, à l’âge de 79 ans. Certes, la Meurthe-et-Moselle ne fut pas annexée par la Prusse. Elle fut cependant fortement impactée par la guerre franco-prussienne qui fit fuir une partie de sa population. Ce fut le cas de Victor Tassot à l’âge de 22 ans.

Ma grand-mère Léontine Marguerite Leroy avait 3 frères et sœurs, dont Maurice Leroy.

  • Au commencement de la seconde guerre mondiale, Maurice Leroy constitua une cache d’armes pour résister à l’occupant. Son patron l’attendit à la sortie de métro l’amenant au travail pour lui annoncer qu’il avait été dénoncé et qu’il ne pouvait ni se rendre au travail ni chez lui. Il se réfugia alors dans les Vosges où il intégra un réseau de résistants spécialisé dans le sabotage de trains militaires. Dès leur première action, ils furent dénoncés, abattus ou traqués. Pendant plusieurs jours, Maurice se cacha dans la forêt sous la pluie et tomba gravement malade. Après le départ des Allemands qui le traquaient, une jeune villageoise vint à sa rencontre. Sa famille lui offrit l’hospitalité. Les villageois avaient repéré Maurice, mais ne pouvaient le secourir du fait de la présence des militaires allemands. Après leur départ, cette jeune villageoise, Jeannette, lui sauva la vie… et devint sa femme. L’ensemble des villageois cachèrent Maurice jusqu’à la fin de la guerre. Il fut le seul survivant de son réseau décapité dès sa première action.

Quant à mon grand-père paternel, Marcel Billard, (qui n’est pas originaire d’Alsace Moselle) il reçut de la République Française le diplôme de croix d’honneur du mérite Franco-Britannique pour dévouement et services éminents rendus à la cause des alliés pendant la période de résistance à l’ennemi entre 1940 et 1944. A Ezy-sur-Eure où il avait sa résidence secondaire, il cacha et nourrit avec ses fils des parachutistes britanniques dans les anciennes caves creusées dans la butte à Cauchon, butte artificielle gallo-romaine de défense. Mon père, qui avait 8 ans au début de la guerre, leur tricotait avec sa mère des moufles et des écharpes. A Paris, où il avait sa résidence principale, il vendait des victuailles qu’il ramenait de Normandie. Certains appellent cela du marché noir et le condamnent vivement. Certes. Mais c’est oublier que :

  • le marché noir était très sévèrement réprimé au début de la guerre et fut progressivement considéré comme un enjeu patriotique,
  • les parisiens crevaient de faim à cause du rationnement et la mortalité infantile aurait été encore plus forte s’il n’y avait pas eu de marché noir. Ma mère, comme d’autres petits parisiens, a gravement souffert de sous-alimentation, au point de souffrir de rachitisme. Sa mère était bien contente d’améliorer l’ordinaire en se fournissant au marché noir lorsque ses maigres ressources le lui permettaient, c’est-à-dire pas souvent.

Comme toujours, ce sont les abus qui sont condamnables. Mais pas les actes de résistances, surtout qu’il s’agissait aussi pour mon grand-père de financer la prise en charge des parachutistes cachés.

Cette histoire familiale illustre l’attachement à la France, le courage inouï pour la défendre et faire en sorte que nous soyons libres. Malgré la douleur des départs, des morts, des emprisonnements pour certains durant de nombreuses années, des atrocités de trois guerres en 70 ans, dont deux mondiales, la volonté d’obtenir la reddition de l’Allemagne, mes aïeux -qui n’aimaient pas du tout les Allemands- n’ont jamais conçu l’idée de détruire et d’éradiquer l’Allemagne et les Allemands.

Ni mes grands-parents ni mes parents, tous deux nés à Paris, ayant grandi durant la guerre et souffert des privations et de la peur, ne nous ont appris la haine des allemands. Au contraire, mes parents ont fait apprendre à leurs quatre enfants l’Allemand en première langue et avaient eux-mêmes des correspondants Allemands.

Comment concevoir qu’un peuple cherche à en éliminer un autre ? Je pense bien évidemment aux nazis voulant détruire tous les juifs, mais également à certains mouvements palestiniens comme le Hamas dont la Charte prévoit la destruction d’Israël. Comment accepter que certains se permettent d’affirmer que les actes des résistants français durant la seconde guerre mondiale étaient qualifiés de terrorisme pour faire passer les massacres du 7 octobre 2023 perpétrés par le Hamas en Israël pour des actes de résistance ? Petite fille de résistants et de combattants pour la France Libre, je ne peux accepter une telle récupération. Mes grand-oncle, oncles, grands-pères et pères n’ont jamais massacré des civils innocents.

Si la réconciliation entre les Français et les Allemands a été possible, pourquoi celles des palestiniens et des israéliens ne l’est pas ? La volonté des palestiniens et de nombreux pays arabes de détruire un pays et ses habitants pendant 70 ans dénote a minima un sérieux problème d’éducation. Comment accepter que l’Union Européenne ait -pendant tant de décennies- financé des manuels scolaires apprenant la haine de l’autre ?

Et vous, qu’en pensez-vous ?

Souhaitez-vous partager vos histoires familiales lorsqu’elles rencontrent la Grande Histoire ? Ou donner votre avis sur l’histoire et l’actualité ?

Sylvie Billard

Votre élue citoyenne

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[1] https://www.2edb-leclerc.fr/?team=alain-de-boissieu


[i]efaidnbmnnnibpcajpcglclefindmkaj/https://www.docutren.com/historiaferroviaria/PalmaMallorca2009/pdf/030109_Ribeill.pdf

Publié le 27 janvier 2024, dans Non classé. Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.

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