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Chèque Déjeuner : le business solidaire

argentDans le cadre du mois de l’économie sociale et solidaire, la Région et Chèque Déjeuner organisaient le 19 novembre une visite au siège du groupe, à Gennevilliers. L’occasion pour quelques Franciliens de découvrir de l’intérieur les arcanes d’une Scop de référence. 

Quel groupe emploie 2 000 salariés, possède 45 sociétés dans 14 pays, couvre 16 fuseaux horaires, compte 168 000 entreprises clientes et 21 millions d’utilisateurs de ses services dans le monde ? Une multinationale du CAC 40 ? Non : la Scop Chèque déjeuner de Gennevilliers (92), une de ces Société coopérative de production où chaque salarié est propriétaire de son entreprise.

Loin de l’image d’Epinal de la petite entreprise artisanale, Chèque Déjeuner symbolise la vitalité de cette nouvelle économie sociale et solidaire soutenue par la Région Île-de-France. Et démontre que l’on peut brillamment réussir dans les affaires en ayant pour but ultime la pérennité de la société et le bien-être de ses salariés.

Devant l’entrée du siège flambant neuf du groupe, en ce 19 novembre, quelques Franciliens invités par la Région dans les locaux de Chèque Déjeuner écarquillent les yeux. Simon, Gentiane, Luc et Brigitte contemplent le bâtiment Haute qualité environnementale, son vaste hall accueillant des animations –ce jour, une sensibilisation au handicap-, la salle de sport dernier cri, les espaces lumineux, la crèche toute proche, … Seule la distance avec les transports en commun vient ternir le tableau d’un « lieu que nous avons préféré louer », précise Elise Naccarato.

Salariés et sociétaires

Quand la responsable des relations presse du groupe dit « nous », ce n’est pas une image : les 400 salariés-sociétaires de la maison mère, qui détiennent 100 % du capital, élisent quinze des leurs au conseil d’administration pour quatre ans. Trois autres postes du CA sont réservés aux syndicats historiques à l’origine de la création de l’entreprise, en 1964.

« Diriger un grand groupe ne s’improvise pas, intervient Brigitte, salariée d’une grosse entreprise pétrolière. Comment faites-vous pour que tous les salariés soient en mesure de décider de l’avenir de la société ? » « De la personne qui distribue le courrier au management, tout le monde doit être capable de lire un bilan, un compte de résultat, appréhender la stratégie de développement, répond Jean-Philippe Poulnot, en charge des partenariats politiques du groupe.Alors nous formons tout le personnel.»

Indépendance

Cette entreprise florissante où chacun, à la maison mère, est à la fois salarié, syndiqué et patron, où les avancées sociales se font souvent à l’initiative de la direction, aiguise les appétits de la concurrence mondiale, et notamment de fonds de pension américains. Choc des cultures assuré. « Nous ne sommes pas côté en bourse, personne ne peut faire d’OPA contre nous, nous n’avons pas de dettes, nous ne sommes pas délocalisables et malgré les sommes très importantes qui ont pu être proposées, nous ne sommes pas à vendre », sourit tranquillement Jean-Philippe Poulnot. « Sans le statut de Scop, nous aurions déjà été rachetés depuis longtemps », complète Elise Naccarato. Et soumis à des patrons qui « pilotent leur entreprise au cours de Bourse ».

« Mais comment recrutez-vous en réussissant à maintenir l’esprit Scop ? », s’interroge Luc, agent d’une collectivité territoriale de la région parisienne. « Comment faire pour être un si grand groupe et rester une Scop ? », complète Gentiane, sa compagne. « Pendant ses premiers mois dans l’entreprise, chaque futur associé a une marraine ou un parrain qui va transmettre nos valeurs et… vérifier si le nouveau venu est compatible avec celles-ci, répond Jean-Philippe Poulnot. Cela nous interroge aussi en permanence sur ce qu’est notre culture, jusqu’où nous la faisons évoluer et dans quel sens. »

Quel futur ?

À la question de Simon sur le futur du statut des Scop, les deux sociétaires de Chèque Déjeuner se veulent rassurant, pointant la loi sur l’économie sociale et solidaire actuellement en discussion et le changement des mentalités : « Au début, il nous fallait occulter notre statut auprès de nos clients, cela leur faisait peur, certains nous traitaient même de « communistes »,rigole Jean-Philippe Poulnot . Aujourd’hui, c’est un argument. On se sent de plus en plus forts. »

Alors que le temps prévu pour cette rencontre originale est largement dépassé, Jean-Philippe Poulnot poursuit la discussion. « J’espère qu’on assiste à un début de changement de société car sinon, on va droit dans le mur, prévient-il, grave. Mais beaucoup de jeunes se passionnent pour l’économie sociale qui représente déjà 10 % de l’emploi en France. Il reste à mieux faire connaître les Scop auprès du public. » Au moment de quitter les lieux, après un dernier coup d’œil à la verrière du hall, les visiteurs d’un jour devraient porter la bonne parole.