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Le projet de loi sur les emprunts toxiques fait bondir les élus de la Seine-Saint-Denis

TRoussel_93Pour aider les collectivités à se débarrasser des prêts à risques, le gouvernement propose la création d’un fonds de soutien. Ses modalités de mise en place sont très critiquées.

La guerre engagée par le département de la Seine-Saint-Denis contre les banques qui ont empoisonné sa dette de prêts dits toxiques (lire ci-dessous) prend une nouvelle tournure. Hier, l’association Acteurs publics contre les emprunts toxiques (APCET), créée sur l’initiative de l’ancien président (PS) du conseil général Claude Bartolone et qui regroupe aujourd’hui une centaine de collectivités locales, s’est alarmée, lors de son assemblée générale, du dispositif prévu par le gouvernement pour sortir les villes de l’ornière.

L’article 60 du projet de loi de finances 2014 prévoit en effet la création d’un fonds de soutien aux collectivités et organismes publics de 100 M€ par an durant 15 ans, une enveloppe financée pour moitié par les banques. Mais voilà, le texte stipule que pour en bénéficier, les collectivités doivent renoncer à tout contentieux. En Seine-Saint-Denis, cette condition est jugée « inacceptable » par Stéphane Troussel, président (PS) du conseil général et trésorier de l’APCET. Il faut dire que le département a engagé devant la justice 15 procédures pour un montant de 377 M€ de prêts à risques. En février, le 93 qui avait attaqué Dexia sur trois prêts a obtenu le remplacement de leurs taux par le taux d’intérêt légal en vigueur. A titre d’exemple, l’un des crédits passait ainsi de 7,04% à 0,71%. La banque a fait appel de cette décision mais la justice n’a pas encore tranché définitivement.

Ne pas déstabiliser le secteur bancaire

Toutefois, ce premier jugement rendu par le tribunal de Nanterre (Hauts-de-Seine) a créé un appel d’air : les assignations contre la Société française de financement local (la Sfil a hérité des emprunts toxiques de Dexia qui a été en partie démantelée) et Dexia ont triplé depuis février. Le dispositif gouvernemental entend ainsi stopper cette inflation qui « risquerait de déstabiliser le secteur bancaire français », selon le texte du projet de loi qui redoute « une restriction de l’accès au crédit par les collectivités locales » et s’inquiète de conséquences pour les finances de l’Etat qui est actionnaire à 75% de la Sfil.

Stéphane Troussel, qui dénonce une « amnistie » des banques, s’insurge contre un « chantage », « un marché de dupes ». « L’idée de ce fonds est louable, mais le texte exige qu’au préalable, la collectivité ait trouvé un accord avec les banques sur tous les contentieux en cours. Pour nous, ce n’est pas possible! », juge le président du conseil général. Il cite en exemple l’accord trouvé il y a trois semaines avec la banque irlando-allemande Depfa contre laquelle il avait déposé deux recours en justice. Le département a obtenu des taux fixes pour deux prêts à risques aux termes de deux ans de négociation. « Nous n’avons éteint le contentieux que lorsque la négociation a abouti : il ne faut pas prendre le problème à l’envers », préconise l’élu. Dexia et la Sfil n’ont pas souhaité s’exprimer sur le sujet. Le ministère du Budget n’a pas répondu à nos sollicitations.

Troussel veut faire payer les anciens dirigeants de Dexia

Porte-étendard dans la croisade contre les emprunts toxiques, la Seine-Saint-Denis ne digère pas l’impunité des anciens dirigeants de Dexia, la banque franco-belge qui a conduit bon nombre de collectivités à souscrire des produits financiers à risque. En effet, les patrons défaillants remerciés sont partis avec indemnités et avantages substantiels. Stéphane Troussel, le président (PS) du conseil général, vient d’écrire au Premier ministre, Jean-Marc Ayrault pour lui demander d’engager des recours contre ces primes étonnantes. Et de citer l’ancien président du conseil d’administration de la banque (de 1999 à 2006), Pierre Richard, parti avec une rente annuelle de 300000 € « aux termes d’une transaction en date du 11 mars 2013 », relève Stéphane Troussel, soit bien après la découverte de la mauvaise gestion de la banque, ou encore l’ex-administrateur délégué Axel Miller qui a bénéficié en 2008 d’une indemnité de départ de 825000 €.

Des pensions déjà dénoncées en juillet dernier dans le rapport de la Cour des comptes sur Dexia. Cette dernière avait d’ailleurs demandé à l’Etat d’étudier les possibilités juridiques afin de récupérer ces sommes et ce avant qu’il n’y ait prescription, en 2014. « Rien n’a été fait. Pour nous il est inconcevable que leur responsabilité individuelle n’ait jamais été mise en cause et qu’en outre ils bénéficient de ces retraites chapeaux. Seul l’Etat, en tant qu’actionnaire de la banque, peut engager ces recours », alerte le président du conseil général du 93.

Mis en cause, le groupe Dexia n’a pas souhaité réagir sur ce sujet.

Source : Le Parisien du 02/10/2013